Si tu intubes sans préoxygéner, prépare l’Adré !!!, BLOCKCHOC.
Introduction
De quoi allons nous parler ? De la préoxygénation.
Pour quels patients ? Les patients aigus voire très aigus du pré-hospitalier, des urgences et de réanimation.
Pourquoi en parler ? Premièrement parce que c’est un sujet qui nous plaît chez BLOCKCHOC par la multitude des techniques à notre disposition et deuxièmement pour que l’intubation à « l’arrache » fasse définitivement beaucoup plus peur que la mise en route d’une réflexion efficace sur la ou les meilleurs mesures à mettre en œuvre rapidement pour la préoxygénation avant l’intubation des patients critiques.
Alors nous réduirons au plus faible les patients qui ne sont pas préoxygénables et qui devront être intubés à 75% de saturation !!!
À propos de 2 cas cliniques réels
Patient n°1
Patiente de 65 ans, poids 65 kgs, amenée aux urgences par les ambulanciers pour insuffisance respiratoire aiguë décompensée.
ATCD : lymphome T, cardiopathie chimio-induite avec FEVG à 40% sans dysfonction diastolique, BPCO post-tabagique avec un VEMS à 49%.
Ses constantes sont les suivantes : FC = 130 /mn, TA = 189/81, SpO2 = 84% et FR = 44/min.
Elle présente une agitation psychomotrice et une encéphalopathie hypercapnique comme le confirmera la gazométrie artérielle. Elle n’a pas de voie veineuse fonctionnelle.
Ses Gaz du Sang piqués tant bien que mal retrouvent les résultats suivants : pH = 7.03, PaO2 = 7.6 kPa (57 mmHg), PaCO2 = 11.8 kPa (88.5 mmHg) et HCO3– = 29.3 mmol/L.
Elle est sous masque à haute concentration depuis 10 minutes dans la salle de déchocage aux urgences.
Elle accepte initialement la mise en route d’une VNI mais la retire au bout de 30 secondes car dit étouffer encore plus.
Que faites vous ?
Patient n°2
Intervention SMUR auprès d’un patient de 47 ans, poids 112 kgs, présentant depuis 50 minutes des douleurs thoraciques avec irradiation à la mâchoire, sueurs, marbrures et pâleur.
ATCD : obésité, diabétique non insulino-dépendant, syndrome d’apnée du sommeil appareillé, tabagisme actif à 40 paquets année.
Ses constantes sont les suivantes : FC = 140 /mn, TA = 78/37, SpO2 = 92% sous masque à haute concentration avec 15 l/mn d’O2, FR = 27 /mn.
L’ECG réalisé retrouve un sus-décalage du ST en inférieur, un miroir en antérieur. Pas d’anomalie électrique au niveau des dérivations droites.
Le patient est perfusé, il reçoit Aspirine, Ticagrelor, Héparine en bolus et un traitement par Dobutamine IVSE débuté à 5 mcg/kg/mn.
Un transport directement en salle de cathétérisme est demandé à la régulation.
Au moment du conditionnement du patient dans le matelas coquille en position assise, il présente une désaturation à 82% avec une FR passant à 40 /mn et des signes de lutte respiratoire. Le patient s’agite, ne supporte même plus le masque à oxygène et malgré les 15 l/mn d’O2, sa SpO2 demeure dramatiquement basse.
Le patient est obèse, avec un cou court et pour ne rien gâcher barbu.
Je le suis moi même mais vous l’aurez compris, je ne veux pas parler ici de considération esthétique.
Que faîtes vous ?
Préoxygénation
Pourquoi faut il préoxygéner nos patients ?
Parce que la préoxygénation permet d’étendre la durée d’apnée « sûre » après injection de l’hypnotique et du curare lorsqu’une Induction Séquence Rapide (ISR, RSI pour les anglo-saxons) est pratiquée.
Elle est définie comme le temps d’hypoventilation puis d’apnée avec une SpO2 > 88%. En dessous de cette valeur, le patient se place sur la partie raide de la courbe de dissociation de l’O2 avec une désaturation alors beaucoup plus rapide en quelques secondes.
Les fonctions de la préoxygénation :
- Porter la saturation du patient le plus proche possible de 100%,
- Dénitrogéner la Capacité Résiduelle Fonctionnelle (CRF) des poumons du patient, ce qui permet de maximiser la quantité d’oxygène dans les poumons,
- Dénitrogéner et oxygéner au plus fort le sang du patient.
Quels sont les moyens à disposition pour apporter la plus grande FiO2 afin de permettre cette préoxygénation ?
Masque à haute concentration (MHC) sous 15 l/mn d’O2 :
Chez le patient avec des paramètres respiratoires normaux (FR, muscles respiratoires fonctionnels) ce masque permet de délivrer une FiO2 de 60 à 70%. La dénitrogénation n’est donc pas satisfaisante et ne permet pas d’allonger la période sûre d’apnée.
À la différence du pré-hospitalier dans lequel nous fonctionnons avec des bouteilles à O2 où il est difficile d’obtenir un débit supérieur à 15 L/mn, à l’hôpital, il est possible grâce aux prises murales d’obtenir des débits jusqu’à 30 voire 60 l/mn en tournant la robinet au maximum même si le manomètre stoppe à 15 l/mn. Alors, dans ce cas, la FiO2 délivrée peut atteindre 90%.
Masque type AMBU complété d’un insufflateur BAVU :
Typiquement ce qui est utilisé en pré-hospitalier. L’utiliser pour la préoxygénation permet comme le MHC grâce au réservoir de délivrer une FiO2 d’autant plus haute que le débit d’O2 est important.
Optiflow :
L’Optiflow peut constituer une bonne méthode de préoxygénation. L’étude de Miguel-Montanes a comparé la préoxygénation pendant 3 minutes avec un masque type AMBU avec de l’Optiflow a un débit de 60 L/mn pour l’intubation des patients présentant une hypoxémie modérée.
La saturation la plus basse en per-intubation dans le groupe préoxygéné avec masque était de 94% alors qu’elle était de 100% dans le groupe Optiflow.
Personnellement, je l’utilise peu et j’ai plus tendance, lorsque la situation nécessite une préoxygénation avec pression positive, à directement choisir la VNI.
Ce qui est par contre intéressant, c’est que l’Optiflow est un dispositif qui peut être maintenu durant l’intubation à la différence de la VNI permettant « l’oxygénation apnéique ».
VNI :
La VNI est devenue la méthode de référence pour la préoxygénation des patients aigus en pré-hospitalier, aux urgences et en réanimation. Elle n’est d’ailleurs pas uniquement utilisée pour les patients « à risque » (obèse entre autre).
Elle est facile à mettre en place avec un masque adapté au patient et elle peut être fixée laissant l’opérateur libre de ses mouvements.
J’ai tendance à l’utiliser directement lorsque le patient est hypoxémique mais il est tout fait envisageable de d’abord tenter une méthode standard avec masque type AMBU.
Si la saturation, alors, ne dépasse pas 93 à 95% malgré une FiO2 maximale, il y a fort à parier de l’existence d’un shunt physiologique qu’aucune augmentation de FiO2 ne résoudra.
Dans ce cas, l’apport d’une pression positive permettra de résoudre au moins en partie ce shunt en recrutant les alvéoles et ainsi de prolonger la période sûre d’apnée.
Généralement je commence avec un réglage « CPAP », c’est à dire AI a 5 cmH2O et PEEP a 5 cmmH2O. Ensuite j’ai tendance à augmenter d’abord la PEEP si les volumes courants pris par le patient sont satisfaisants. Dans la littérature, on trouve que le risque de distension gastrique reste très faible tant que AI + PEEP reste inférieure à 15 cmH20.
Le réglage standard souvent retrouvé dans ces mêmes études est de AI = 10 cmH20 et PEEP à 5 cmH2O.
Personnellement, je préfère avoir l’AI efficace la plus faible possible pour pouvoir avoir la PEEP la plus élevée tant que l’hémodynamique tient. Ainsi « mon » réglage standard est souvent AI = 6 cmH20 et PEEP = 9 cmH20. Le recrutement alvéolaire est ainsi plus rapide, l’atélectasie liée à la haute FiO2 est prévenue et la distension gastrique bien plus liée à l’AI qu’à la PEEP est certainement moins importante.
Études montrant l’efficacité de la pression positive dans l’amélioration de la préoxygénation.
L’idée est identique à celle de la VNI seule avec en plus la possibilité après l’induction de permettre une oxygénation apnéique en laissant en place les lunettes nasales.VNI + lunettes O2 à 15 l/mn :
VNI + Optiflow :
Cette manière de faire est particulièrement intéressante dès lors que l’on est à l’hôpital (pas encore d’air dans les camions de SMUR adulte).
C’est l’équipe de Montpellier de S. Jaber qui a travaillé dessus dans le cadre de l’étude OPTINIV proposant une étude monocentrique, randomisée, contrôlée en simple aveugle.
Le groupe intervention utilisait en méthode de préoxygénation :
- 4 minutes de préoxygénation,
- Tête de lit à 30°,
- Utilisation de l’Optiflow (avec débit d’oxygène à 60 L/mn, FiO2 = 100%),
- Combiné avec la VNI (AI = 10 cmH2O, PEEP = 5 cm H2O, FiO2 = 100%).
Le groupe contrôle utilisait :
- 4 minutes de préoxygénation,
- Tête de lit à 30°,
- Pas d’Optiflow,
- VNI (AI = 10 cmH2O, PEEP = 5 cm H2O, FiO2 = 100%).
49 patients enrôlés, 25 dans le groupe intervention et 24 dans le contrôle. Les causes de défaillances respiratoires étaient essentiellement pneumonies et ARDS.
Durant l’intubation, le SpO2 étaient toujours plus haute dans le groupe Optiflow + VNI. Seulement 1 patient dans le groupe intervention et 5 dans le groupe contrôle avaient expérimenté une SpO2 inférieure à 80% en péri-intubation.
Je n’ai jamais utilisé cette méthode de préoxygénation. Mais à la lecture de cet article, la tentation de le faire est grande, surtout si on attache de l’importance à l’oxygénation apnéique.
Ventilation contrôlée en volume connectée sur un masque :
Cette manière de faire s’adresse au patient dont le drive respiratoire est trop faible pour permettre une préoxygénation satisfaisante avec la VNI. Ainsi, l’AI nécessaire pour avoir un volume courant suffisant dépasse la règle des AI + PEEP < 15 cmH2O.
Dans ce cas il est possible d’utiliser un masque type AMBU directement connecté au respirateur réglé sur un mode contrôlé en volume.
Les réglages que j’utilise sont les suivants, jusqu’à obtenir une saturation > 95% :
- FR = 8 à 12 /mn,
- Volume courant = 6 à 8 ml/kg,
- Débit d’oxygène à 30 L/mn permettant d’avoir un temps inspiratoire d’environ 1 seconde,
- FiO2 = 100%,
- PEEP entre 5 et 10 cmH2O en fonction de la tolérance hémodynamique.
Quelle différence avec les insufflations délivrées manuellement avec le masque type AMBU complété d’un insufflateur BAVU ? La possibilité d’utiliser ses deux mains pour maintenir le masque en place et contrôler ainsi les fuites.
Il faut prêter une attention particulière avec cette technique chez le patient comateux et estomac plein. En effet, la distension gastrique dans ce cas est non négligeable et le risque de vomissement est donc beaucoup plus important.
En pratique j’utilise cette méthode chez le patient BPCO décompensé avec coma sur encéphalopathie hypercapnique chez qui la VNI ne fonctionne pas.
Si l’on considère qu’intuber ce type de malade est un échec (parfois on ne peut pas faire autrement), j’ai souvent l’espoir caché qu’en le ventilant de cette manière, on ait une petite chance du lui « clearer » son CO2 permettant de récupérer une conscience et un drive respiratoire nous permettant de réutiliser la VNI. S’il ne se réveille pas, on l’aura préoxygéner pour l’intuber.
Intubation en séquence retardée ou Delayed Sequence Intubation (DSI) :
BLOCKCHOC a consacré tout un post à cette technique.
En pratique il s’agit d’une sédation procédurale où la procédure est la préoxygénation.
La drogue de choix est la Kétamine utilisée à dose dissociative (patient sédaté mais avec une VS et un réflexe de déglutition préservés).
Elle fonctionne là encore très bien dans un contexte d’agitation, d’encéphalopathie quel qu’en soit l’origine ou lorsque le patient ne tolère pas la préoxygénation.
La procédure se déroule comme suit :
- Kétamine à dose dissociative. En théorie entre 0.6 et 1 mg/kg. En pratique, je titre avec une première dose à 0.5 mg/kg en injection lente sur 20 secondes. Le but étant d’éviter que le patient ne soit en phase pseudo-dissociative (agitation, délire, hallucinations) lorsque la dose est trop faible ou qu’il perde sa VS et son reflexe de déglutition si la dose est trop importante. Je n’utilise pas de benzodiazépines, type Midazolam dans ce cas, la titration et la surveillance stricte du patient permettant d’éviter la phase pseudo-dissociative,
- Mise en place de la CPAP/VNI,
- Préoxygénation, pendant 3 minutes après que la SpO2 > 95%,
- Une fois préoxygéner, induction en séquence rapide avec dose complémentaire de Kétamine (fonction de ce qui a déjà été donné) entre 1 et 2 mg/kg et curare,
- Retrait du masque et intubation.
J’ai découvert cette technique en 2013 sans l’utiliser avant fin 2014. Depuis j’y ai recouru une bonne vingtaine de fois sans problème particulier. Je n’ai jamais eu de complication en lien direct avec la Kétamine, pas de vomissement, pas de perte de la VS, pas d’état pseudo-dissociatif avec un patient agité ou halluciné.
Cette technique peut être appliquée en médecine d’urgence pré-hospitalière comme hospitalière ou en réanimation.
Rapid Sequence Airway ou RSA :
Il s’agit d’une technique moins connue et qui peut être franchement soumise à débat ou critique.
Je ne l’ai d’ailleurs utilisé qu’une seule fois en pré-hospitalier. Cela s’est bien passé. Savoir que cela existe est déjà pas mal…
LA RSA est une forme modifiée de la RSI (ISR) utilisant un masque laryngé. Ce dernier est inséré avec une induction anesthésique par hypnotique (Etomidate, Kétamine, Propofol) plus un curare pour permettre de maximiser l’oxygénation péri-intubation avant de placer la sonde endotrachéale.
Cette technique est à envisager si toutes les autres méthodes de préoxygénation ont été envisagées, tentées et/ou sont contre-indiquées.
La préoxygénation favorisée par la RSA permet alors lorsque c’est nécessaire d’intuber dans un second temps le patient.
Cette technique est malgré tout complexe, le masque laryngé peut être difficile a insérer ou a utiliser (limitation de l’ouverture du bouche, obstruction, anatomie des voies aériennes remaniée, rigidité cervicale). Elle requiert une suppression des réflexes respiratoires (par une sédation profonde et/ou une curarisation) chez un patient mal ou non préoxygéné avant que le masque laryngé puisse être inséré. Cette technique ne permet pas d’apporter une protection des voies aériennes contre l’inhalation du contenu gastrique. Enfin l’expérience et les preuves en faveur de cette technique sont très limitées et reposent uniquement sur quelques case reports.
La RSA est abordée dans les Guidelines de la UK Faculty of Prehospital Care selon ce protocole :
- Patient hypoxémique chez qui une ISR n’est pas possible, (pas plus de précision)
- Utilisée comme une technique de sauvetage et en aucun cas comme une stratégie première de gestion des voies aériennes,
- Utilisation de masques laryngés de dernière génération,
- L’utilisation de l’EtCO2 est obligatoire,
- Doit être réalisé par un médecin expérimenté (formation et entraînement à l’utilisation des masques laryngés).
Combien de temps doit durer la pré-oxygénation ?
Idéalement 3 minutes lorsque la saturation est supérieure à 95%.
Dans la pratique, 3 minutes à partir du moment où la saturation n’augmente plus.
Dans quelle position le patient doit il être placé ?
La meilleure position est certainement la BUHE pour Back-Up Head Elevation, tant pour la préoxygénation que pour l’intubation. Cette position pour l’intubation a été développée dans un article commenté par BLOCKCHOC de Khandelwal ou une tête de lit à 30° est recommandée.
On peut également considérer que la meilleure position est surtout celle que le patient préfère et/ou supporte, pouvant être parfois la position complétement assise.
Enfin en cas de lésion cervicale, le patient pourra être positionné en Trendelenburg inversé.
Quel temps avant la désaturation ?
Quand le patient respire l’air ambiant, il y a 450 ml d’O2 dans ces poumons. Ce volume augmente à 3000 ml lorsque le patient est préoxygéné avec une FiO2 à 100% pendant un temps suffisant pour permettre la dénitrogénation.
La consommation en O2 durant l’apnée est de 250 ml/mn (3 ml/kg/mn). Ainsi chez le patient sain, la durée de « l’apnée sûre » sera de 1 minute quand le patient respire en AA et de 8 minutes pour celui qui aura été préoxygéné sous 100% de FiO2.
Il en est évidemment tout autre chez nos patients critiques. Les effets du shunt, de la demande métabolique augmentée, de l’anémie, de l’hypovolémie et de la baisse du débit cardiaque diminuent drastiquement les capacités de stockage d’O2 et réduisent ainsi très fortement la durée « d’apnée sûre ».
En pratique, déterminer un temps prévisible de désaturation semble complétement illusoire. On a tous été surpris après une préoxygénation correctement menée de constater que celui que l’on pensait pouvoir tenir l’apnée se crachait très rapidement et inversement.
Qu’est ce que l’oxygénation apnéique (OA) ?
L’alvéole continue à capter de l’O2 même quand le diaphragme est paralysé et que les poumons ne sont pas gonflés. Chez le patient en apnée, environ 250 ml/mn d’O2 passe de l’alvéole vers la circulation sanguine. Par contre seulement 20 ml/mn de CO2 passe du sang vers l’alvéole, le reste repartant dans la circulation.
Cette différence est essentiellement due à la différence de dilution des deux gaz dans le sang autant que l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2.
Cela créé une dépression au fond de l’alvéole, générant un débit de gaz du pharynx vers l’alvéole.
Ce phénomène, appelé OA, permet donc une oxygénation sans ventilation spontanée ou administrée par des insufflations. Sous certaines conditions optimales, la PaO2 peut être maintenue à plus de 100 mmHg (13.3 kPa) pendant plus de 100 secondes sans aucun mouvement respiratoire tandis qu’apparaitra une hypercapnie et une acidose en conséquence.
Par contre cette OA n’a pas d’effet significatif sur le taux de C02.
Comment assurer une OA ?
Comme décrit plus haut, l’étude OPTINIV montre à quel point l’Optiflow est une technique permettant cette OA pendant l’IOT. L’étude de Miguel-Montanes et al. l’avait montré plus tôt pour des patients avec des insuffisances respiratoires modérées.
Dans le contexte du pré-hospitalier ou aux urgences lorsque l’Optiflow n’est pas disponible, l’utilisation des lunettes nasales est recommandée. Elles procurent une faible FiO2 chez le patient en ventilation spontanée mais la décroissance de la demande en O2 lors de l’apnée va permettre à ces lunettes de combler en O2 le pharynx et d’obtenir une FiO2 élevée. Ainsi, lorsque le débit est porté à 15 L/mn avec les lunettes nasales, une FiO2 de 100% peut être obtenue.
Quand et comment délivrer des insufflations manuelles durant la période d’apnée ?
Les bénéfices/Risques d’une ventilation active durant la période d’apnée devront être évalués en fonction de chaque patient. Chez le patient avec un faible risque de désaturation (c’est à dire avec une saturation avant curarisation > 95%), ces ventilations manuelles ne sont pas nécessaires. Chez les patients à plus haut risque (avec une saturation < 95% avant curarisation) ces insufflations peuvent certainement trouver leur place. Elles devront, si elles sont pratiquées être à faible pression, petit volume et faible FR.
En pratique, je ne le fais pas. En écrivant ce post, je me suis posé la question du pourquoi.
Je pense qu’il y a plusieurs raisons. La peur d’une distension gastrique et des vomissements qui peuvent l’accompagner mais surtout de la nécessité de rester absolument concentré sur ce qui va survenir lorsque la curarisation sera complète, à savoir l’intubation en elle même. En plus, dans ce moment malgré tout stressant, prodiguer des insufflations de qualité se transforme souvent en des insufflations trop rapides, avec trop de pression et avec des volumes trop élevés.
Ou alors pourrait on imaginer dans ce cas d’avoir régler le respirateur sur un mode contrôlé en volume avec une FR à 8, un Vt à 6 ml/kg, une PEEP à 5 et un débit d’O2 à 30…
Est ce que le choix du curare affecte la préoxygénation ?
Bien qu’il y ait plusieurs études montrant l’absence de différence entre la Succinylcholine et le Rocuronium, je pense honnêtement que le débat peut et doit rester ouvert.
Encore une fois il est utile d’utiliser selon moi la drogue que l’on connaît le mieux et que l’on sait manier.
Quoi qu’il en soit, pour ceux qui seraient tentés par le Rocuronium, l’absence de son antidote, le Sugamadex ne doit contre indiquer son utilisation. Rappelons juste que nous ne sommes pas dans le contexte de l’anesthésie. Toutes les sociétés savantes sérieuses de gestion des voies aériennes difficiles du patient de soins intensifs recommandent le recours à la cricothyroïdotomie en cas de situation « Can’t intubate, can’t ventilate ».
En effet, antagoniser le Rocuronium ne nous livrera pas un patient à même de respirer convenablement puisque la raison qui nous a amené à vouloir l’intuber est que justement il ne peux pas respirer tout seul.
Dans ce cas, c’est parti pour un « Scalpel – Finger – Bougie », n’en déplaise aux sceptiques…
Conclusions des cas cliniques réels
Patient n°1
Echec de la CPAP et de la VNI.
Utilisation de la Kétamine à la dose de 40 mg (soit 0.62 mg/kg).
Injection lente à la seringue en 30 secondes.
Altération de l’état de conscience de la patiente avec préservation d’un réflexe de déglutition et d’une ventilation spontanée.
Préoxygénation de la patiente à la CPAP (FiO2 = 100%, AI = 6, PEEP = 9 pendant 5 minutes avec 3 minutes au moins à SpO2 = 100%).
Préparation de l’intubation (matériel, drogues, pose de 2 VVP, briefing de l’équipe paramédicale des urgences).
Induction de la RSI avec 130 mg de Kétamine et 100 mg de Succinylcholine.
Patiente Cormack 1, intubation sans difficulté.
SpO2 à la prise au ballon après l’intubation à 92%.
Pas d’hypotension immédiate.
Patient n°2
Comme une envie de démissionner et d’ouvrir un bar aux Maldives.
Tentative de CPAP infructueuse (AI à 6, PEEP à 3 puis 0, FiO2 à 100%).
Le patient s’hypotend encore plus, se marbre et s’agite davantage et sa SpO2 demeure dangereusement à 80% sous masque à 15 L/mn.
Switch de la Dobutamine pour de l’Adrénaline après deux bolus de 3 mg d’Éphédrine.
Malgré une restauration relative de sa TA à 85/50, son Glasgow chute à 10/15.
Décision de recourir à la RSA.
Préparation du masque laryngé. Pas de Fast Track disponible.
Induction anesthésique par Kétamine 200 mg et Rocuronium 100 mg IVD.
Mise en place rapide du masque laryngé après une désaturation à 70%.
Ventilation au respirateur avec les réglages suivant : FR à 15, Vt à 480 ml, PEEP à 2, FiO2 à 100%.
Au bout de 5 minute, SpO2 à 100%, EtCO2 à 55 mmHg (7.3 kPa), TA à 110/70 sous Adrénaline 0.6 mg/h, FC à 95.
Augmentation de la PEEP à 5 cmH2O.
Relais sédation par Kétamine 100 mg/h, Fenta 50 mcg/h.
Appel de la régulation pour prévenir de la décision de débuter une thrombolyse puisque le patient ne pourra pas être en coronarographie avant au moins 50 à 60 minutes (brancardage jusqu’à l’ambulance, trajet en ambulance).
Au bout de 10 minutes, SpO2 toujours à 100%.
Compte tenu du temps de transfert en ambulance, décision d’intubation pour sécurisation définitive des voies aériennes.
Patient toujours curarisé, bien préoxygéné.
Laryngoscopie, patient Cormack 2 avec appui. Passage des cordes vocales sans difficulté. Confirmation du bon placement du tube par l’obtention des courbes d’EtCO2.
Résumons
- Proposition des mesures à appliquer en fonction du risque de désaturation
Séquence de Préoxygénation et de Prévention de la Désaturation
Conclusion
Nous pensons qu’il ne faut pas ignorer le nombre important de paramètres qui entrent en jeu lors de ces différentes procédures.
Nous sommes absolument convaincus que de ne pas prendre le temps pour tenter la préoxygénation est dangereux pour ne pas dire criminel.
Car si on parvient à intuber rapidement notre patient on transforme un patient quasiment mort en patient vivant. Dans le cas contraire, on transforme un patient certes pas en forme mais encore vivant en patient mort…
Notre objectif n’est en aucun cas de dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire mais de partager avec vous nos expériences de ces situations que tous les médecins de l’aigu peuvent rencontrer.
Nous sommes à l’écoute de vos commentaires, remarques, critiques et prêts à discuter avec vous avec plaisir.
À bientôt sur le terrain.
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